Mirëdita !
Gëzuar, en albanais, veut dire heureux. Cela se dit au moment de trinquer, au café comme au raki. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que nous le sommes, heureux, après une semaine très riche en émotions.
Nous vous avions laissés à Ostuni en Italie. Cinq minutes après avoir posté notre dernier article, nous avons croisé Teresa et Davide, qui nous ont invités à manger avec eux dans une poissonnerie. Teresa a réussi à nous obtenir un prix d’enfer pour une assiette de pâtes aux fruits de mer bien frais. C’était un régal. Voyant que la pluie ne cessait de tomber, elle nous a ensuite fait la proposition de venir dormir dans son trullo, l’habitat au toit pointu des bergers des Pouilles. Ni une ni deux, nous avons accepté l’invitation. Et nous avons passé une nuit magique dans sa petite maison du 18 ème siècle. Le lendemain, nous avons pris le petit déjeuner avec nos hôtes et sommes partis en direction d’Alberobello, la ville des trulli. C’était beau à voir, mais nous étions plus épatés encore d’avoir pu dormir dedans !
Nous avons ensuite mis le cap sur la côte, direction Polignano a mare. Nous y avons fait notre dernier camping sauvage d’Italie, au milieu des barques et des petites maisons blanches. On se serait déjà cru en Grèce. Il ne nous restait plus que quelques kilomètres avant d’atteindre Bari et de prendre le bateau pour l’Albanie. Nous avons passé la nuit sur le ferry, tant bien que mal, par terre entre les sièges.
Après neuf heures de traversée, c’est à Durrès que nous avons accosté. Le dépaysement a été total. Nous avons pédalé sur l’autoroute une quarantaine de kilomètres avant de pouvoir mettre nos roues dans la campagne. A la recherche d’un emplacement de camping, nous nous sommes arrêtés dans une boucherie. Les gars du coin étaient bien désappointés. Ils ne comprenaient pas qu’on veuille dormir sous la tente. Mais là, Mynyr est arrivé en parlant italien, et nous étions sauvés. Il nous a d’emblée proposé de dormir chez lui. Dallandyshe, sa femme, a tué une poule pour nous ! Nous avons mangé comme des rois en parlant de la vie, des Albanais qui savent vivre en harmonie malgré les multiples religions du pays, de sa dure vie d’exilé économique en Italie, de leurs filles qui font des études, etc, etc. C’était très émouvant pour nous de pouvoir partager ce moment avec eux.
Les sacoches remplies de raki, d’oranges et de mandarines, nous avons poursuivi notre route à travers la campagne. Pour une fois, nous n’étions pas les seuls à ralentir les voitures. Sur la route, nous avons croisé de nombreuses charrettes tirées avec des ânes, des troupeaux de moutons, de chèvres, de vaches… Nous avons repris l’autoroute jusqu’à Fier, une grande ville où nous sommes arrivés presque de nuit. L’option camping n’était plus envisageable. Nous avons trouvé un hôtel à 20 euros (« pas cher », comme dirait le frangin Guillaume) avec miroirs au plafond, s’il-vous-plaît. Nous y avons fait beaucoup de « gezüar » à la santé de Mynyr et de Dallendyshe…
Le lendemain, sous une pluie torrentielle, nous avons pris le biclou pour Vlöre. La route n’était pas palpitante et nous étions trempés jusqu’aux os. L’option hôtel pas cher a encore été de mise…Nous avons dormi juste à côté de la place du drapeau, celle où a été levé pour la première fois le drapeau albanais. Lassés de l’autoroute, nous avons décidé de couper à travers les montagnes. Direction Kotë, puis Kuç. Bon sang que ça grimpait ! Mais les paysages étaient magnifiques et le soleil était de la partie. La route était un peu défoncée, mais nous passions encore entre les trous. Nous avons discuté avec plusieurs bergers croisés sur la route, l’activité agricole étant ici essentiellement pastorale. Nous avons pu poser notre campement au milieu des montagnes…et de trois chiens, qui nous ont attaqués à la nuit tombée. Une grosse frayeur pour pas de mal. Presque rien à côté de l’attaque du lendemain matin, celle d’un pitbull. Voyant le machin courir vers nous, Antoine, malgré son bâton, en est même venu à dire « On n’a aucune chance ». Fonçant sur la route destroy coupée par un torrent d’eau, nous avons pédalé comme des dératés pour lui échapper. Ouf, encore une grosse peur pour pas de mal. Mais ces attaques à répétition nous ont mis les nerfs à vif. Chaque ferme isolée a fini par nous remplir de panique. Catherine en est même venue à collectionner les cailloux dans ses poches pour les jeter aux chiens.
Nous avons fini par atteindre Kuç et sa taverne aux poissons. Nous y avons fait une belle pause gastronomique avant de reprendre la route pentue et passablement délabrée. C’est un euphémisme. Il a fallu pousser le vélo sur plusieurs kilomètres avant d’atteindre le col. Et là, un panneau, direction Borsh, à gauche. Nous suivons les indications. Incapables de remonter sur le vélo sur la route pierreuse, nous descendons à pied. Quelques kilomètres plus loin, nous nous trouvons face à un éboulement total de la « route ». Demi-tour au beau milieu de la montagne. Nouvelle attaque de chiens errants (ou était-ce des loups?). En montée cette fois. Antoine gère. Nous commençons à nous démoraliser, sans savoir où nous allons. Voyant un camion sur l’autre versant de la montagne, nous reprenons espoir et retournons jusqu’à un embranchement. Nous décidons de suivre les traces de 4×4 dans la boue. Il commence à se faire tard et il pleut des cordes. Nous espérons trouver un village avant la nuit. Et là, après quelques kilomètres d’incertitude complète, nous apercevons un troupeau de moutons. Malgré la route peu engageante, nous remontons sur le biclou pour le rattraper. Nous faisons la rencontre inespérée de Padeli, le berger, qui nous emmène à Correj, son village, où nous dormirons chez lui et sa femme Kani. Merci la bonne étoile. Cette journée a sans aucun doute été la plus dure du voyage, mais aussi l’une des plus fortes. Nous avons passé la nuit chez un berger albanais qui ne pourra même pas recevoir notre carte postale de remerciements parce que la poste ne vient pas jusqu’à chez lui.
Ce matin, nous avons de nouveau poussé le tandem sur les chemins de montagne pour atteindre Borsh et la mer, d’où nous avons suivi une côte escarpée jusqu’à Saranda. Nous y avons trouvé un hôtel pas cher dans lequel nous nous remettons de nos émotions, réparons les rayons cassés du vélo, buvons quelques gëzuar en espérant avoir de vos nouvelles à vous bientôt.
Bises et à la semaine prochaine !
Vous avez bien du courage …vous pourrez écrire un livre en rentrant, normalement votre périple se termine quand ? Si ça peut vous consoler , en Ardèche nous avons un temps pourri, il pleut, il pleut, là haut il a du oublier que nous étions en hiver !!!!!
bisous à vs 2. caty
Salut Caty !
Nous rentrons en juin normalement. Bon courage à vous pour l’hiver pluvieux… Nous sommes arrivés en Grèce et ici on crève de chaud en t-shirt!
Bises à vous deux,
Antoine et Catherine.
je vous suis avec constance et j’attends votre carnet de voyage avec impatience comme chaque semaine.
votre adaptation aux langues étrangères m’épate.Moi qui voyage avec en poche « g’palemo »bonne semaine
Merci Jacqueline ! Notre vocabulaire en albanais était cependant très limité, il faut l’avouer. Et nous voilà déjà plongés dans l’alphabet grec…Dur dur!
Bises et à un de ces jours en Ardèche ou ailleurs,
Antoine et Catherine.
Quel périple ! ça mériterait bien un vrai carnet de voyage, avec édition à la clé…
Heu…J’ai mal compris ou vous roulez en vélo sur l’autoroute?
Au plaisir de vous lire !
Yves
Coucou Yves,
Oui, nous roulons parfois sur l’autoroute, quand il n’y a pas d’autre axe. Les bandes d’arrêt d’urgence font office de piste cyclable…C’est une expérience à vivre !
bises.
Great adventures! Brilliant to see that you a still pedalling away, many miles and months since your stop in Galway. Wishing you safe travels and more happy days ahead!
Brendan.
Vous m’épatez… Quel courage! J’adore le ciel de parapluies on se croirait à Cherbourg!
A bientôt des nouvelles de Grèce. Bisous
Quel voyage, quel expérience de vie.
C’est vraiment formidable. Merci de continuer à nous faire vivre tout ça par procuration, avec quand même une pointe de jalousie ^^
Antoine ressemble vraiment à un pêcheur Irlandais maintenant !
La route vous va bien, bon séjour en grèce maintenant, j’espère que vous aurez l’occaz d’aller dans les Cyclades !
Bisous d’Antoingt (ou nous habitons maintenant) !