Les Bicloucipedistes Sur les routes d’Europe

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L’aventure au fil du Danube

 

Guten Tag !

Une bonne nouvelle pour commencer : notre biclou tient le coup. Cette semaine, il nous a gentiment menés jusqu’à Vienne, en Autriche. La soudure hongroise, apparemment, c’est du solide ! Pourvu qu’ça dure…

Au moment de quitter Budapest, nous tombons sur un drôle d’équipage. Etienne, un jeune Français, fait le tour d’Europe à vélo avec sa chienne dans la remorque.  Nous bavardons plus d’une heure sur le bord de la route. Comme nous faisons le voyage en sens inverse, nous échangeons nos cartes. Il nous fait un superbe cadeau en nous filant tous les plans de l’eurovélo 6. Une aubaine ! Nous voilà parés pour « l’aventure au fil des rivières », selon le slogan de la piste cyclable européenne.

Une fois sur le circuit balisé, nous sortons de la capitale hongroise très facilement. Avec ou sans panneaux, c’est simple. Il suffit de suivre le Danube en direction de Bratislava. Il fait chaud et nous sommes bien tentés par une baignade dans les eaux bleues du fleuve, mais notre désir d’avancer est plus fort. Nous enchaînons les kilomètres jusqu’à la tombée de la nuit. Au moment de planter la tente, nous retrouvons nos amis les moustiques. Le temps de cuisiner et de manger, nous en tuons plus de cent. Mais le lendemain, ce sera pire: 200 cadavres au compteur avant d’aller nous protéger dans la chambre. C’est donc ça, l’aventure au fil des rivières !

Nous passons la frontière slovaque à Komaron. L’eurovélo 6 devient ici un vrai bazar. Aucune signalisation, des pistes pourries. Nous avançons tant bien que mal et la seule personne que nous croisons dans l’après-midi, c’est un vieux coureur en string ! On vous aurait bien mis la photo volée, mais elle est de mauvaise qualité, on dirait du « Closer ».

En fin de journée, nous sommes bloqués par un barrage et une grosse centrale électrique. De multiples  panneaux rouges en interdisent l’accès. Mais la grille est entrouverte et d’après notre carte, ça passe. Nous pédalons vite sous les nombreuses caméras de surveillance. Au bout de deux kilomètres, une barrière rouge et blanche se trouve sur notre passage. Nous déchargeons le biclou et la contournons par une pente de côté. Nous ne sommes décidément pas bien sûrs d’avoir le droit de circuler sur cette digue…Mais bon, la route est goudronnée et le Danube est à notre gauche. Enfin, après une heure d’incertitude, nous croisons des promeneurs qui nous rassurent. Nous plantons la tente avec 93 kilomètres dans les gambettes. Et nous découvrons ce soir-là un anti-moustiques naturel : le vent.

Le lendemain,  nous célébrons nos deux ans de mariage. Hélas, pour ce jour de fête, il pleut des cordes et nous nous prenons des bourrasques de face… Les 30 km pour atteindre Bratislava sont terriblement longs et pénibles. Nous sommes heureux, au moment de chercher un resto, de tomber sur un couple albano-russe, Viola et Artyom, qui nous emmènent dans un pub slovaque. Nous mangeons ensemble et discutons politique. Hollande, Poutine, la Crimée, les Balkans, les sujets ne manquent pas. Et quand nous sortons de table, il est 4 heures de l’après-midi…Nous visitons la jolie capitale slovaque au pas de course. Nous devons nous en sortir pour trouver un campement avant la nuit. Il nous reste aussi une frontière à passer, celle de l’Autriche, à dix kilomètres de là. Aucun douanier en vue, nous entrons dans ce pays comme dans un moulin. Vers six heures, nous nous rappelons que les Français jouent contre le Nigéria. Nous décidons de trouver un bar pour regarder le match. Catherine parie 2-0 pour la France, Antoine 2-1. Et comme vous le savez, c’est Catherine qui gagne. Enfin non, c’est la France. Mais bref. Chauvins comme pas deux, nous sommes bien contents. Pour ne rien gâcher, les Autrichiens que nous rencontrons ici sont super sympas.

Vers huit heures,  nous décollons notre nez de l’écran pour chercher notre lieu de bivouac. Dans les sacoches, un beau menu de gala nous attend : poulet à la crème, aux oignons et aux champignons. Avec des pâtes, bien sûr !

Il nous reste une quarantaine de kilomètres avant d’atteindre Vienne, où un hôte warmshower nous attend. Nous pestons toute la journée contre l’eurovélo 6 qui nous ennuie à mourir. Certes, les routes sont plates, droites et bien asphaltées, mais que c’est monotone… Nous ne traversons plus jamais les villages. C’est comme si nous étions parqués sur notre petit bout de bitume autorisé, à l’écart de la vie des pays que nous sommes supposés découvrir. Même les bagnoles nous manquent, c’est vous dire !

Au milieu d’une raffinerie, nous voyons arriver vers nous une étrange monture. Un tandem Pino ! C’est la première fois du voyage que nous en croisons un. Sur le vélo, deux Australiens. Nous papotons un long moment. Notre biclou paraît bien usé à côté du leur, flambant neuf. Mais il faut dire qu’en un an, on ne l’a pas épargné.

En arrivant dans la capitale autrichienne, nous tombons sur une plage de naturistes. Tout le monde se promène à poil au bord de la piste, c’est assez surprenant.

Depuis un café, nous téléphonons à Jeff, notre hôte, qui nous attend en bas de son magnifique immeuble au cœur de Vienne. Français, il travaille pour l’agence internationale de l’énergie atomique. Il nous offre un verre dans le quartier puis nous concocte un délicieux repas. Nous partons ensuite faire un tour by night du quartier, avec une glace à la main. Nous discutons gaiement jusqu’à une heure du matin.

Aujourd’hui, nous avons fait le tour de Vienne avec une escale dans un petit resto où nous avons dégusté le fameux schnitzel, le plat national. Ce soir, Jeff nous prépare encore un bon gueuleton et demain, nous reprenons la route, direction l’Allemagne.

Mettez les glaçons au congel les amis, on arrive !

 

 

 

 

En pays Magyar

Yo napot !

Eh oui, « buna ziua », c’est fini. La Roumanie est à quelques centaines de kilomètres d’ici. C’est de Budapest, la capitale hongroise, que nous vous écrivons. Nous traînons un peu pour cet article, car la semaine a été chargée en rebondissements. Nous avons bien cru que le voyage allait finir prématurément… Mais faisons durer le suspense, et reprenons les choses dans l’ordre.

Retournons d’abord chez nos amis Roumains qui, jusqu’au bout, nous ont beaucoup gâtés.

La plaine avant Beius est très jolie, parsemée de petites églises en bois et de villages animés. C’est le temps des foins, à la fourche et sur des charrettes tirées par les chevaux. Nous rencontrons Annabelle et Alin, francophones, qui nous invitent à planter la tente dans leur jardin. Une fois installés, nous sommes invités pour un apéro qui durera jusqu’à minuit. Nous dégustons la fameuse tuica, une eau-de-vie de prune qui tourne autour des 60 °… Nous repartons le lendemain avec une bouteille dans les sacoches. Mais attention, à consommer avec modération !

Une grosse étape nous attend, car nous avons rendez-vous à la pension d’Oradea le soir pour récupérer nos pneus neufs. Nous pédalons plus de six heures pour parcourir 92 km, et finissons par une angoissante route à camions. Notre journée physique est récompensée par une jolie ville art nouveau, et par le confort d’un petit hôtel pour reprendre des forces dans un lit douillet.

Cette fois, nous devons nous résoudre à dire au revoir à la Roumanie. Sur le biclou avant de passer la frontière, nous repensons à tous les gens qui nous ont accueillis, salués, guidés, en seulement deux petites semaines. Nous sommes profondément touchés par la gentillesse et la simplicité que nous avons trouvées ici.

Nous arrivons donc en Hongrie, ou plutôt en « Magyarorzag ». La langue est complexe et nous fait prendre des fous rires au début. Bonjour se dit « yo napot ». On a l’impression de dire « yo ma pote » et forcément, quand on s’adresse à une mamie, ça fait bizarre.

Dés les premiers kilomètres, nous trouvons une piste cyclable impeccable. Beaucoup de gens roulent à vélo, c’est impressionnant. Nous prenons une petite route de plaine. Les conducteurs sont très précautionneux et ne klaxonnent jamais.

Dans notre tête, c’est clair, il est temps de faire défiler les bornes pour rentrer. Mais un ennemi de taille nous attend : le vent de face. Zut alors, il faut pousser pour avancer ! Notre vitesse moyenne est faible et les paysages terriblement monotones. Les villages que nous traversons sont tristounets et les rares personnes que nous croisons ne répondent pas à nos « yo napot ». Notre moral en prend un coup. Après trois jours de routes plates au milieu des champs d’agriculture intensive, nous finissons par mettre le cap au nord, direction les montagnes et le vignoble de Nosvaj. Nous sommes bien heureux de reprendre un peu de hauteur. Nous faisons une halte dans une cave où nous dégustons un délicieux vin blanc. Rien de tel pour prendre goût à un pays !

Le lendemain, hélas,  nous affrontons toujours le vent de face et les vents des Hongrois. Sachant que nous sommes attendus à Bratislava pour la vélorution, nous décidons d’enchaîner les grosses journées pour en finir avec ce pays d’apparence si peu hospitalière. Nous disons bien « d’apparence »…

Le biclou, lui, en décidera autrement. A cinq heures du soir, à la sortie du village de Markaz, Antoine trouve que la direction du vélo ramollit. Nous nous arrêtons et là, « crac », Catherine descend d’une dizaine de centimètres. Cette fois, c’est le cadre qui nous joue un mauvais tour. Il est coupé en deux sous le siège avant. Déboussolés, nous tournons autour du biclou en essayant de ravaler nos larmes. Le vélo n’est pas transportable à pied. Il est probablement irréparable. « Fin du voyage », constatons-nous tristement. Mais pas le temps de nous apitoyer, la question est : comment rentrer maintenant ?

Nous sommes à quinze kilomètres de Gyöngyös, la ville la plus proche. Il ne nous reste plus qu’à faire du stop. Comme nous nous y attendions, les voitures passent sans s’arrêter. Au bout d’une heure, Antoine dessine un panneau « need help ». Un monsieur aux allures de hippie passe par là à pied. Nous l’interpelons. Il connaît un vélociste à Gyöngyös et nous envoie au café du village pour trouver son adresse sur internet. Nous en profitons pour appeler Didier, le père d’Antoine, qui est prêt à venir nous chercher avec le trafic en Hongrie. Voilà au moins de quoi nous rassurer, au cas où les choses tournent mal.

Mais bon, nous continuons à chercher une solution pour rentrer par nos propres moyens. Nous retournons au vélo et nous demandons où nous allons pouvoir planter la tente, car il se fait tard. Difficile d’imaginer nous installer au milieu de ce quartier résidentiel. Nous serions éjectés rapidement. Nous prenons la rue du monsieur qui nous avait paru sympathique. Et là, coup d’bol, nous tombons sur lui. Bela nous propose aussitôt de venir dormir chez lui et sa femme Eva. « Take it easy, there is no problem », nous rassure-t-il mille fois, en voyant nos mines déconfites. Il nous offre un verre de vin. Pendant ce temps, Eva passe des coups de fil à tous ses amis afin de trouver une bonne âme pour nous emmener à Gyöngyös. Banco ! Leur ami policier, Louis, passe nous prendre le lendemain. Il vient à la maison avec sa femme et nous sortons notre bouteille de tuica roumaine. Nous passons une superbe soirée avec Eva et Bela qui nous réconcilient définitivement avec la Hongrie. Nous déchiffrons l’ancien alphabet hongrois, parlons des frontières d’autrefois dont nos hôtes sont nostalgiques, discutons de tout et de rien jusqu’à minuit. Le lendemain, à 7h30, Louis arrive avec sa remorque. Nous mettons le biclou dedans. Eva nous offre un beau sac en laine, une bouteille de vin, une poupée aux couleurs du drapeau hongrois. Louis nous tend une carte postale de Markaz et une bouteille de gnôle ! Non seulement ils nous dépannent, mais en plus ils nous gâtent…Nous croyons rêver.

Direction le vélociste, qui n’a pas l’air de pouvoir réparer le tandem. Bela nous traduit ses propos et nous partons avec nos trois compères chez un soudeur d’acier. Ouf ! On voit de la lumière au bout du tunnel. Le soudeur a l’air de trouver la réparation faisable. Nous sommes au comble de l’excitation. Nous allons pouvoir repartir ! Mais là, crac, c’est la barre de  direction qui cède. Une pièce spéciale en aluminium. On soude quand même le cadre et on se remet en route pour aller chez un autre soudeur. En peu de temps, la réparation est faite. Nous retournons au magasin, le vélociste remonte gratuitement l’ensemble, et nous rechargeons les sacoches, le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux en disant au revoir à nos trois sauveurs. Nous faisons « ding-donguer » nos sonnettes en démarrant et là, paf, nous partons dans le décor. La barre de direction n’a pas tenu. La situation est comique, mais nous n’avons pas le cœur à rire. Cette fois, nous sommes un peu au bout du rouleau. Louis, notre ami policier, ne se décourage pas. Il trouve des tuyaux en acier dans la cour du vélociste. Nous repartons chez le premier soudeur avec nos bouts de métal. En vingt minutes, il nous recrée la pièce ! La compagnie allemande du vélo, Hase, avait mis un mois à nous la fournir quand nous l’avions  cassée en France…

Nous invitons Louis et Bela à manger dans un petit « bufë », et nous reprenons notre biclou, tout émus, un peu inquiets, mais drôlement heureux de pouvoir pédaler à nouveau. Nous sommes très impressionnés par l’efficacité de nos amis Hongrois et par leur dévouement.

Nous roulons sous la pluie, direction Budapest, en ayant un peu de mal à y croire. Hier, nous étions persuadés que c’était la fin du voyage, et nous voici de nouveau sur la route. Cette mésaventure nous aura en outre permis de découvrir des Hongrois incroyablement généreux. Comme quoi, il ne faut jamais se fier à ses impressions superficielles de voyageur.

En arrivant près de la capitale, nous contactons Vincent Liégey, un objecteur de croissance français qui vit en Hongrie. Membre du parti pour la décroissance, il est aussi l’auteur du livre Un projet de décroissance, manifeste pour une dotation inconditionnelle d’autonomie, aux éditions Utopia. Il nous donne rendez-vous à l’Institut français. Nous buvons un coup et il nous propose ensuite de venir loger chez lui, dans sa coloc en centre ville. Nous sommes ravis ! Érudit, amoureux de la Hongrie, Vincent nous apprend énormément sur l’histoire politique du pays. Nous buvons des bières avec lui et son amie Orsolya, au centre ville, côté Pest, où c’est la fête, et le lendemain nous visiterons Buda, la conservatrice, de l’autre côté du Danube. Nous faisons un crochet par l’écran géant qui diffuse l’ennuyeux match France-Equateur. Nous nous échappons pour aller voir le Parlement de nuit, un magnifique édifice néogothique.

Notre séjour à Budapest est court mais très agréable. Nous reprenons la route demain en envisageant de suivre scrupuleusement l’eurovélo 6. Nous ne voulons plus risquer de descentes, car si la soudure lâche, nous pouvons nous prendre une sacrée gamelle.

Sur ce, on vous embrasse et on vous dit à la semaine prochaine !