Les Bicloucipedistes Sur les routes d’Europe

Category Archives: Bulgarie

L’hospitalité, c’est pas du yaourt !

Dobar vetcher !

Ce soir, c’est le luxe. Après trois mois sans débourser un centime d’hébergement, nous nous offrons un petit hôtel dans le centre historique de Veliko Tarnovo. Avec balcon de bois et vue sur la rivière, s’il-vous-plaît ! Nous sommes plus qu’heureux d’être à l’abri, car ici il pleut des cordes.

Nous n’avons donc pas été dévorés par les ours des Rhodopes. Après vous avoir envoyé nos nouvelles, lundi dernier, nous avons fait quelques mètres à la recherche d’un campement dans Siroka Laka. Mais au moment de planter la tente, papy Kalin est arrivé. Il nous a fait signe de le suivre jusqu’à sa maison, au-dessus de la rivière. A l’intérieur, une petite chambre avec deux lits. Dobre !

Kalin ne parle pas l’anglais, mais les gestes sont  simples pour se faire comprendre. Nous passons une soirée bien rigolote en sa compagnie : concours de bras de fer, découverte du folklore national à la télé, oeufs cuisinés sur le poêle. Une fois de plus émus par l’hospitalité bulgare, nous repartons le lendemain matin en direction de notre col, Pamporovo. Après une bonne grimpette, c’est une station de ski fantôme que nous découvrons. Sacrément moche, mais enfin, nous y sommes. Les 80 kilomètres de descente tant attendus sont arrivés ! Nous nous laissons filer en direction de Plovdiv au milieu des sapins. Comme nous n’avons rendez-vous avec notre futur hôte que le lendemain, nous passons une nuit dans un pré en altitude. L’endroit idéal pour découvrir un apéritif local, le mastika. On dirait un peu de l’ouzo. Avec l’eau fraîche des fontaines bulgares,  ce n’est pas mauvais.

Nous arrivons à Plovdiv en empruntant une route de plaine assez angoissante. Les camions nous frôlent à grande vitesse, nous serrons les fesses. En arrivant dans la grand-ville après plusieurs jours de montagne, nous sommes un peu perdus. Nous trouvons refuge dans un petit resto populaire où Antoine se régale avec des tripes et de la langue de veau.

Nous avons rendez-vous avec notre hôte Kostadine à la gare. Il nous emmène dans son appartement qu’il partage avec sa mère et sa grand-mère. Nous prenons une bonne douche avant de partir à la découverte de la plus vieille ville d’Europe. C’est un curieux mélange des genres: des Thraces aux Ottomans, en passant par la Renaissance bulgare et la période communiste. L’ensemble est cela dit très harmonieux. Nous retournons dans notre quartier à la nuit tombée. Kostadine nous raconte qu’il a passé trois mois à Lyon cet automne. Il a dormi à la rue dix jours, puis au foyer Notre-Dame-des-Sans-Abri, avant de trouver un logement grâce à un site de couchsurfing. Sa vie très précaire en Bulgarie lui donne envie de repartir. Nous le reverrons probablement en France un jour ou l’autre, et c’est tant mieux ! Nous pourrons lui rendre la pareille, où que nous soyons.

Nous repassons une journée dans Plovdiv avant de nous diriger vers le massif du Balkan. Là aussi, de beaux cols nous attendent. Mais nous commençons par une plaine. Au moment du pique-nique, un ado vient nous voir. Il ne parle pas anglais. Il revient cinq minutes plus tard avec un sac rempli de fraises. Nous sommes touchés.

Nous traversons un village, Rakovski, où tout le monde nous salue et nous klaxonne. Les anciens comme les jeunes font du vélo sur les routes un peu délabrées. C’est de la folie, on adore. A la sortie du bled, nous découvrons une piste cyclable. On n’en a pas vu depuis l’Italie !

Le soir, nous trouvons un chouette campement au pied des montagnes. Nous savons qu’une longue côte nous attend au réveil. Et effectivement, quelle montée… Nous arrivons au sommet trempés de sueur. Heureusement, la descente est à la hauteur de nos espérances et nous nous laissons glisser jusqu’à la vallée des roses, où nous ne croisons pas une seule rose… Nous dormons à quelques kilomètres de Shipka. Des ados nous tournent autour, curieux de nous voir monter la tente sur leur terrain de jeu. Ils nous ramènent cinq branches pleines de cerises. Décidément en Bulgarie, toutes générations confondues, les gens sont sympas.

Le lendemain, après un col à 1200 mètres, nous hésitons sur la route à prendre. On nous a parlé d’un monument communiste impressionnant à douze kilomètres de là, Buzludza. Ce qui fait un détour de 24 km au total. Mais ça a l’air incroyable, alors nous nous lançons. Prudemment, nous demandons tout de même à un monsieur l’allure de la route. Il nous assure que c’est plat. Bizarrement, ça commence par une pente assez raide sur un kilomètre. Puis une longue descente. Puis une autre montée. Après huit kilomètres, nous n’en pouvons plus. Une voiture passe, à tout hasard, nous levons le pouce. Kalin et son épouse Boppy nous emmènent gentiment au spomenik, à 1500 mètres de hauteur. C’est un lieu hallucinant qui, sans aucun doute, méritait le détour. Une espèce de vaisseau spatial en béton armé au sommet d’une montagne. Complètement délabré, il ne peut malheureusement pas se visiter.

Le coquin qui nous avait dit que c’était plat a la malchance d’être là au moment où nous repassons par le col. Catherine lui passe une avoinée qui vaudra pour tous ceux qui nous ont affirmé, à tort, que la route était « plate ».

La journée a été rude pour les mollets. Nous finissons par une énième montée en direction de Tryavna puis, épuisés, nous plantons la tente au milieu du col.

Ce matin, nous avons fini l’ascension jusqu’à Tryavna, une très jolie ville où nous avons visité un musée de sculpture sur bois. Nous avons ensuite pédalé jusqu’à Veliko Tarnovo, d’où nous ne sommes plus qu’à cent kilomètres de la Roumanie.

Sur ce, on vous embrasse. A la semaine prochaine !

 

 

 

Dobar den !

 

Salut à tous !

Ouf, nous avons fini par la franchir, la frontière grecque, après trois mois de péripéties dans ce beau pays. Nous étions tous les deux assez émus au moment de dire un dernier « yassas » au douanier.

Nouveau pays donc : la Bulgarie.  Il a d’emblée fallu nous initier à l’alphabet cyrillique pour déchiffrer les panneaux. Certaines lettres, heureusement, ressemblent à leurs voisines grecques. Mais pas toutes. Il faut bien faire travailler notre cerveau pendant ces vacances prolongées…

Après une belle première descente  jusqu’à Gotse Delchev, nous avons décidé de commencer notre périple par la  chaîne de montagne des Rhodopes,  d’ouest en est.  Allez hop, on y va, en route pour 4000 mètres de dénivelé ! Nous avons attaqué par un col aller-retour à 1100 mètres d’altitude pour visiter le village de Kovachevitsa. Sur la route, dans le hameau de Lechten, une petite chienne s’est mise à remuer la queue en nous voyant arriver. Au lieu de nous aboyer dessus, elle a entrepris de nous suivre. Amusés au début, nous avons réalisé ensuite qu’elle nous adoptait, purement et simplement. Elle nous protégeait contre les autres chiens errants, nous attendait quand nous faisions des courses , aboyait sur les voitures qui nous dépassaient. C’était totalement déconcertant. Nous qui ne sommes pas fanatiques des chiens, après une journée passée en sa compagnie, nous étions tellement gagas que nous l’avons baptisée Sylvie Vartan, en hommage à la chanteuse d’origine bulgare. Elle a même eu droit à une petite ration de saucisses le soir au camping.

La pluie se mettant à tomber sur la fin de notre ascension, nous avons demandé à un couple de planter la tente sur son terrain, idéalement placé face aux gorges. Sans hésiter une seconde, Fatma et son mari nous ont montré un emplacement parfait. Ils nous ont ensuite invités à nous réfugier sous leur cabane de jardin. Nous avons joué à « Dessiner c’est gagné » pendant une bonne heure, ce qui nous a permis d’enrichir notre vocabulaire bulgare. Puis ils sont rentrés chez eux, dans leur village pomak, à deux kilomètres de là. Oui car nous sommes au cœur de la région des Pomaks, des Bulgares islamisés pendant l’empire ottoman. A la place des églises orthodoxes, ce sont donc des mosquées que nous découvrons dans les endroits habités.

Le lendemain, sous le soleil et toujours avec notre mascotte Sylvie, nous avons fini notre raidillon jusqu’à Kovatchevitsa. Nous y avons dégusté quelques grillades et un yaourth, bien sûr, avant de profiter de la longue descente vers la vallée. Sylvie n’a plus voulu nous suivre, elle est restée avec les siens. Les adieux n’ont pas été trop déchirants car elle avait trouvé une belle terrasse au soleil pour se délasser.

Les quinze kilomètres de descente sont passés vite. Nous n’avons pas tardé à pousser sur les pédales pour affronter un nouveau col. Comme en Albanie, nous partageons ici la route avec des charrettes tirées par des ânes ou des chevaux. Il y a énormément de monde au travail dans les champs, l’agriculture n’étant pas mécanisée. Il y a aussi beaucoup d’ouvriers qui taillent des pierres à la main sur le bord de la route. Nous ne sommes jamais vraiment seuls.

Nous étions donc en pleine montée dans la forêt quand soudain, nous avons cru entendre des bruits de percussions. Nous regardions partout autour de nous, rien. Nous avons continué jusqu’à un un virage où nous avons vu attablés une dizaine de gaillards. Ils nous ont fait signe de nous joindre à eux. Hop, deux bières, une assiette de riz et de viande. Ils nous expliquent qu’ils sont chasseurs et que l’un d’eux vient de tuer un cerf. C’est donc la fête et nous avons la chance inestimable d’y être invités. Deux tziganes jouent de la flûte et de la percu. Les chasseurs, eux, dansent, boivent et chantent. Pas de femmes dans les parages… Le plus ancien, maître des lieux, nous invite à le suivre vers une grande maison en chantier. A l’intérieur, il ouvre une petite chambre impeccable, digne d’un hôtel. Il coupe du bois pour nous chauffer l’eau de la douche… En deux jours, nous n’en finissons pas de nous extasier sur l’hospitalité bulgare. Le mot que nous maîtrisons le plus, c’est « blagodaria », merci.

Dimanche, à 9h, nous décollons pour affronter la suite de la pente. Nous essuyons un bel orage en atteignant Dospat, un village à 1300 mètres de hauteur. Mais la route est magnifique et nous continuons l’effort jusqu’à 5h, au moment de trouver un emplacement de camping idéal, blotti dans une petite vallée verte coupée par un ruisseau. Nous y passons une longue nuit de dix heures, histoire de nous remettre de la chouille de la veille.

Hier lundi, nous avons voulu nous détourner de la route pour monter jusqu’à l’œil de l’aigle, un point de vue à 1590 mètres sur toutes les montagnes du coin. Nous savions qu’une montée à 15 % sur deux kilomètres nous attendait. Au moment de prendre cette route, nous croisons deux hommes assis sur un banc. Ils nous montrent leur 4×4 sur lequel est écrit « orloko ovo », l’œil de l’aigle. Nous comprenons qu’ils y mènent les touristes. Corrompus par une certaine fatigue, nous leur demandons à tout hasard le prix. Six levs (3 euros) pour deux.  Malgré nos bons principes écolos, nous sommes soudain tentés par l’appel du moindre effort. Nous acceptons donc, après leur avoir fait répéter le tarif trois fois et même dessiner au sol. La montée est vraiment raide et nous hallucinons sur les chemins que prend le chauffeur. Nous sommes bien secoués au moment d’arriver au sommet, et tout penauds d’avoir contribué à bousiller la montagne. A l’arrivée, nous n’éprouvons aucune satisfaction, juste de la gêne. Nous faisons un tour au point de vue vertigineux, envahi par d’autres blaireaux qui, comme nous, ont posé leur derrière dans un véhicule tout-terrain. Puis nous redescendons jusqu’à notre vélo, en nous disant intérieurement que le prix de la course est décidément très faible… A l’arrivée, Catherine tend six levs au chauffeur. En Bulgarie, pour dire non, ils inclinent la tête de haut en bas… Notre ami fait donc ce geste et nous le comprenons, hélas. Il nous explique que ce n’est pas six levs, mais soixante au final… ! L’arnaqueur. Nous sommes coincés. Nous finissons par lui donner 30 levs, notre budget maximal pour une journée, englouti dans une virée en 4×4. Abrutis que nous sommes. Après avoir juré tout ce que nous pouvions de retour sur le biclou, nous en concluons que nous venons d’essuyer une bonne leçon. Nous sommes tellement honteux que nous avons même hésité à vous raconter cet épisode. Mais bon, si ça peut vous faire rire, alors tant pis pour notre honneur !

Après cette mésaventure, nous avons rejoint Devin, ville de l’eau minérale, où nous sommes allés nous détendre dans les eaux chaudes d’une piscine thermale en plein air. Nous avons campé non loin de là et ce matin, nous avons attaqué la dernière longue montée avant la station de ski Pamporovo. Après ce dernier col à 1500 mètres, une descente de 80 kilomètres nous attend jusqu’à Plovdiv. Youpi!

Nous allons dormir au milieu des ours ce soir, brrr… Si vous n’avez pas de nouvelles de nous dans une semaine, inquiétez-vous!

Des bises et à bientôt !