Les Bicloucipedistes Sur les routes d’Europe

Plus belle la vie !

Bonjour à tous,

On a repoussé, repoussé, repoussé… Mais arrive un jour où il faut bien se rendre à l’évidence. Notre voyage est terminé et il est temps de conclure ce périple avec vous.

Nous tenons, avant tout, à remercier infiniment toutes les personnes que le hasard a mises sur notre route, que ce soit le temps d’un feu rouge ou d’une longue soirée autour du poêle. Ah ça oui, on peut le dire, elle est sacrément belle, la petite portion d’humanité qu’on a rencontrée. Des kilos d’oranges reçus en Italie aux délicieux fromages des bergers de Roumanie, sans oublier les pintes de bière offertes dans les pubs irlandais, on a été plus que gâtés. Dans les situations plus difficiles, nous retiendrons le dévouement d’un Panagiotis grec, à Kalamata, de notre hôte Poncho, à Athènes, ou de l’artiste Béla, en Hongrie. Oui vraiment, ce que nous retenons principalement de cette aventure, ce ne sont pas les paysages d’Europe, aussi somptueux soient-ils, mais l’amitié et le partage spontanés avec tous ces inconnus. Grâce à eux, nous rentrons plus forts, plus confiants, remplis d’une sacrée dose d’énergie.

Nous souhaitons également vous remercier vous, lecteurs occasionnels ou fidèles, car cet échange virtuel nous a permis de mettre des images et des mots sur ce que nous vivions chaque semaine. Vos commentaires et autres messages personnels nous ont permis d’avancer en nous sachant suivis, soutenus. Dés que nous en aurons les moyens, nous ferons une version papier du blog, histoire d’en conserver une trace en cas de grande panne internet.

Merci à nos parents, nos frangines et frangins, nos grands-parents, nos cousins, oncles et tantes qui ont cru en notre projet un peu fou. Merci à la famille, en somme. Merci à tous les invités du mariage qui ont largement contribué à notre départ pour de longs mois. Et enfin, merci aux copains. Sans vous, on n’est rien !

On souhaite un bon vent dans l’dos à tous ceux qui ont roulé avec nous. Bon atterrissage à Bérengère et J-B, à la Fameuhly, et bonne continuation à Jake et Russell pour leur grand tour du monde.

Maintenant, place à la suite. Car des nouvelles, il y en a ! Après un petit tour de retrouvailles, nous avons fait les vendanges en Champagne, chez Marie et Olivier, dans une ambiance très festive. Cela nous a permis de nous renflouer pour emménager dans une grande coloc à 6 au cœur de Marseille. Nous vivons dans un immense appartement comprenant un patio au premier et une terrasse sur le toit avec vue sur la Bonne Mère. Le luxe. Nous le partageons avec des artistes, c’est pas triste. Des jongleurs et une danseuse qui ont tous de beaux métiers à côté ou au sein de leurs passions. Catherine a pu se remettre au piano et bientôt à la danse, Antoine apprend à jongler.

Côté professionnel, on a bien avancé. Antoine intègre une formation de charpentier de marine à Marseille. Il va pouvoir nous construire un bateau pour notre prochain voyage, héhé. Catherine vient d’être embauchée comme secrétaire de rédaction à CQFD, un mensuel anarchiste de critique et d’expérimentations sociales. Mais bon, elle attend le feu vert de Pôle Emploi pour être éligible au contrat aidé… Elle va aussi continuer de temps en temps à écrire pour La Décroissance, dans la rubrique simplicité volontaire qu’elle affectionne tant. N’hésitez pas à vous abonner !

Bref, tout va bien dans le meilleur des mondes. Pourvu qu’ça dure… On ne vous met pas de photos, on préfère que vous veniez voir par vous-mêmes la jolie ville de Marseille. On vous le promet, ça vaut le détour…

Bonne chance à vous tous pour la suite ! Au plaisir de vous revoir.

Antoine et Catherine, alias les bicloucipédistes.

 

Dernière ligne droite…

 

Bonjour à tous !

C’est autour d’un verre de Montagny que nous rédigeons le dernier billet du voyage, attablés au café de la gare de Buxy, en Bourgogne…en France ! Nous sommes à moins de 100 km du terminus de cette formidable année de vadrouille. Le temps des retrouvailles approche. Celui de dire au revoir à notre vie nomade aussi. Nous venons de réaliser un rêve, mais ce n’est pas fini, il nous en reste plein les sacoches !

Nous avons quitté Bérengère et JB hier soir à Chalon, après plus de 1000 km roulés ensemble sur le chemin du retour. Forcément, au moment de nous dire au revoir, les larmes ont coulé. Leur amitié est un précieux cadeau de fin de périple. Nous ferons tout, malgré la distance, pour la conserver. Rendez-vous est déjà pris pour le festival du voyage à vélo de Paris, en janvier. En attendant, nous leur souhaitons bonne route et surtout, bon atterrissage à Saint-Malo.

Les derniers kilomètres en Allemagne et en Suisse se sont faits avec eux dans la bonne humeur, malgré un temps de cochon. Nous avons suivi le Rhin jusqu’à la frontière française, à Bâle, après une dernière nuit à l’étranger haute en couleurs. Nous sommes tombés sur une fête de village à Wallbach. A une heure du matin, après une dernière tournée gratuite de currywurst, nous avons demandé où planter nos tentes. Un grand moustachu, Karl, nous a invités à passer la nuit dans sa caravane vintage, dans la cour d’un musée d’antiquités. Au réveil, café et brioches nous attendaient sur un vieux tracteur. C’était parfait pour une dernière expérience de l’hospitalité spontanée.

Au passage de la frontière française, là aussi, les larmes ont coulé. Nous étions tous très heureux de revoir le pays, ses PMU, ses boulangeries, ses charcuteries, ses petites épiceries. Le simple fait de dire « bonjour » aux passants nous remplissait d’excitation. Nous avons fêté ça lundi matin, à Mulhouse, avec une tournée de pains au chocolat.

Nous avons ensuite roulé jusqu’à Belfort, où nous étions attendus par Pascal et Pascale, deux cyclos que Bérengère et JB avaient croisés en Grèce, sur l’île de Lesvos. Nous avons passé deux journées chez eux au chaud, à savourer de bons repas végétariens et profiter d’une douche bienvenue. Merci mille fois !

Avant de nous séparer de nos amis bretons, nous avons saisi toutes les occasions de faire la fête : passage de nos 15000 km, anniversaire de notre première année sur la route, anniversaire du PACS de Bérengère et JB… Nous avons fait un dernier feu de camp sur une île de la Saône, en utilisant le carnet de la frangine Marie pour chanter à tue-tête jusqu’à deux heures du matin. « Buvons encoooooore, une dernière foiiiiiiiis, à l’amitié, l’amour la joie, l’amour la joie ». Les propriétaires de l’écluse ont dû apprécier nos voix, eux qui avaient écrit sur leur maison « le silence est d’or »…

Demain, nous arrivons à Mâcon, chez mamie Eliane. Nous sommes impatients de la retrouver. C’est chez elle que nous poserons nos sacoches et notre vélo pour aller plus tard à votre rencontre –en train- à Lyon, en Ardèche, en Auvergne, à Marseille et en Champagne.

Sur ce, on vous embrasse et on vous dit, pour de vrai cette fois, à tout bientôt !

Convoi exceptionnel

Tchüss !

Chers amis, chère famille, c’est sans doute la dernière fois  que nous vous écrivons de l’étranger. Enfin, dernière fois… jusqu’au prochain voyage, bien sûr !

Comme vous vous en doutez, la finale de la coupe du monde est pour nous l’occasion de faire une sacrée fiesta avec les Allemands. Si nos souvenirs sont bons, nous retrouvons notre tente à 5 heures du matin. Autant dire que le réveil est difficile. ..Un tantinet ambitieux, nous décidons tout de même de reprendre la route. Après vingt petits kilomètres, nous finissons par déclarer forfait pour poser le campement au milieu des limaces. Rien d’idyllique, certes, mais pour dormir le plus tôt possible, nous ne sommes pas très exigeants.

Après deux journées de calme réparateur, nous retrouvons nos amis Bérengère et JB à Dillingen. Heureux de reformer le quatuor, nous  reprenons d’emblée nos interminables conversations et fous rires le long de l’eurovélo 6.

La frontière française approchant, nous parlons de plus en plus du retour, partagés entre la hâte de retrouver les nôtres et l’angoisse de reprendre la vie à zéro. Cette ambivalence se traduit même dans notre façon d’avancer. Impatients de déguster notre première baguette, nous allons pourtant de plus en plus lentement, profitant de la moindre halte baignade dans le Danube, ou retardant l’heure du coucher pour rester ensemble autour du feu. Il faut dire que nous nous rencontrons à un moment très intense du voyage, la tête remplie de souvenirs impérissables et de projets pour l’avenir.

A Sigmaringen, une chouette surprise nous attend. Nous tombons par hasard sur la fameuhly, qui voyage à quatre sur de pittoresques tricyles couchés. Nous ne les avons pas revus depuis Athènes. Au moment des retrouvailles, l’émotion est à son comble. Manu, Hélène, Léo et Malo vont se joindre à nous pour la suite du périple. Nous sommes désormais huit en file indienne sur l’eurovélo 6, un vrai convoi ! Nous rentrons tous en France après un an sur les routes. Nous faisons tinter fort les sonnettes. Nos campements sauvages sont assez impressionnants. Trois tentes, sept vélos, une grande bâche tendue pour abriter nos repas et nos parties de kem’s.

Dans la joie et la bonne humeur, nous avançons ensemble vers le connu et l’inconnu : notre pays, nos amis, nos familles, nos nouvelles vies à construire. Nous sommes émus et nous le serons plus encore dans quelques jours, au moment de dire tout simplement « bonjour » aux douaniers alsaciens.

A très bientôt !

 

Six roues libres

Guten Tag !

Aujourd’hui, nous sommes au bon endroit au bon moment : en Allemagne, le jour de la finale de la coupe du monde. En mauvais perdants, nous leur en voulons un poil d’avoir éliminé la France, mais s’ils gagnent, nous serons plus que partants pour faire la fête avec eux !

Nos dernières nouvelles remontent donc à Vienne. A peine sortis de la capitale autrichienne, nous tombons sur deux jeunes cyclos bretons, Bérengère et JB, qui rentrent aussi d’un an de baroude à vélo autour de l’Europe.  Nous nous arrêtons pour discuter une heure, puis deux, avant de décider de nous retrouver plus tard pour pédaler ensemble sur l’eurovélo 6. Une chouette perspective !

Nous continuons seuls notre route palpitante le long du Danube. Des digues, des barrages, des digues, des barrages…  Soudain, après Krems, la piste nous éloigne du fleuve pour nous faire passer au milieu des vignes et des villages du Wachau. Nous croyons rêver. La route est belle, variée, il y a même un peu de relief. Seul bémol : les caves sont trop chics pour qu’on ose s’arrêter faire une dégust’…

Nous nous organisons une pause « match » France-Allemagne à Melk, une jolie bourgade dominée par une imposante abbaye baroque. Mais en arrivant à l’office du tourisme, c’est un bar avec écran géant que nous demandons. Il faut assumer sa beaufitude dans ces cas là ! Après la défaite, nous partons, tout penauds, chercher un endroit où camper le long du Danube.

Le lendemain, stimulés par notre possible rendez-vous à Passau avec Bérengère et JB, nous faisons près de cent kilomètres. Nous nous arrêtons quand même à Linz. Catherine a une pensée émue pour mémé Monette qui réussissait si bien la tarte  originaire d’ici. Nous en goûtons une part dans un café, plutôt bonne, mais bien sûr, rien à voir avec celle de mémé…

Le passage de frontière avec l’Allemagne est invisible : pas de panneau, pas de changement de langue ni de monnaie. Une fois arrivés à Passau, nous appelons nos nouveaux copains pour les retrouver à la gare. Nous avons fabriqué un petit écriteau « herzlig wilkommen » pour les accueillir. C’est parti pour quatre jours de bavardages et de fous rires le long de l’eurovélo 6. Nous n’arrêtons pas de discuter. Les pauses pique-nique, remplissage d’eau, courses (à Netto) durent beaucoup plus longtemps que d’habitude. Nous avons tellement à échanger sur cette année commune passée sur les routes d’Europe. Lecteurs de La Décroissance, ils partagent aussi avec nous beaucoup d’idées  sur le voyage à vélo et sur la vie en général.  Les kilomètres ne défilent pas autant que d’habitude, mais qu’est-ce qu’on s’amuse !

Un soir, nous faisons une pause dans un biergarten. JB, qui connaît bien l’Allemagne, nous fait essayer la pinte d’un litre. Au moment de repartir, nous chantons fort, mais nous arrivons à nous perdre sur l’eurovélo 6…

Nous passons une dernière soirée feu de camp avec JB et Bérengère, avant de nous séparer à Regensburg. Ils ont rendez-vous avec des amis à côté de Munich. C’est toujours dur de dire au revoir, même quand on a passé l’année à faire ça. Nous avons toutefois bon espoir de les recroiser plus loin.

Sur ce, il nous reste quelques kilomètres à faire avant de trouver un camping près d’un biergarten pour regarder le match. On vous embrasse et on vous dit à bientôt ! En août, promis.

 

 

 

 

 

L’aventure au fil du Danube

 

Guten Tag !

Une bonne nouvelle pour commencer : notre biclou tient le coup. Cette semaine, il nous a gentiment menés jusqu’à Vienne, en Autriche. La soudure hongroise, apparemment, c’est du solide ! Pourvu qu’ça dure…

Au moment de quitter Budapest, nous tombons sur un drôle d’équipage. Etienne, un jeune Français, fait le tour d’Europe à vélo avec sa chienne dans la remorque.  Nous bavardons plus d’une heure sur le bord de la route. Comme nous faisons le voyage en sens inverse, nous échangeons nos cartes. Il nous fait un superbe cadeau en nous filant tous les plans de l’eurovélo 6. Une aubaine ! Nous voilà parés pour « l’aventure au fil des rivières », selon le slogan de la piste cyclable européenne.

Une fois sur le circuit balisé, nous sortons de la capitale hongroise très facilement. Avec ou sans panneaux, c’est simple. Il suffit de suivre le Danube en direction de Bratislava. Il fait chaud et nous sommes bien tentés par une baignade dans les eaux bleues du fleuve, mais notre désir d’avancer est plus fort. Nous enchaînons les kilomètres jusqu’à la tombée de la nuit. Au moment de planter la tente, nous retrouvons nos amis les moustiques. Le temps de cuisiner et de manger, nous en tuons plus de cent. Mais le lendemain, ce sera pire: 200 cadavres au compteur avant d’aller nous protéger dans la chambre. C’est donc ça, l’aventure au fil des rivières !

Nous passons la frontière slovaque à Komaron. L’eurovélo 6 devient ici un vrai bazar. Aucune signalisation, des pistes pourries. Nous avançons tant bien que mal et la seule personne que nous croisons dans l’après-midi, c’est un vieux coureur en string ! On vous aurait bien mis la photo volée, mais elle est de mauvaise qualité, on dirait du « Closer ».

En fin de journée, nous sommes bloqués par un barrage et une grosse centrale électrique. De multiples  panneaux rouges en interdisent l’accès. Mais la grille est entrouverte et d’après notre carte, ça passe. Nous pédalons vite sous les nombreuses caméras de surveillance. Au bout de deux kilomètres, une barrière rouge et blanche se trouve sur notre passage. Nous déchargeons le biclou et la contournons par une pente de côté. Nous ne sommes décidément pas bien sûrs d’avoir le droit de circuler sur cette digue…Mais bon, la route est goudronnée et le Danube est à notre gauche. Enfin, après une heure d’incertitude, nous croisons des promeneurs qui nous rassurent. Nous plantons la tente avec 93 kilomètres dans les gambettes. Et nous découvrons ce soir-là un anti-moustiques naturel : le vent.

Le lendemain,  nous célébrons nos deux ans de mariage. Hélas, pour ce jour de fête, il pleut des cordes et nous nous prenons des bourrasques de face… Les 30 km pour atteindre Bratislava sont terriblement longs et pénibles. Nous sommes heureux, au moment de chercher un resto, de tomber sur un couple albano-russe, Viola et Artyom, qui nous emmènent dans un pub slovaque. Nous mangeons ensemble et discutons politique. Hollande, Poutine, la Crimée, les Balkans, les sujets ne manquent pas. Et quand nous sortons de table, il est 4 heures de l’après-midi…Nous visitons la jolie capitale slovaque au pas de course. Nous devons nous en sortir pour trouver un campement avant la nuit. Il nous reste aussi une frontière à passer, celle de l’Autriche, à dix kilomètres de là. Aucun douanier en vue, nous entrons dans ce pays comme dans un moulin. Vers six heures, nous nous rappelons que les Français jouent contre le Nigéria. Nous décidons de trouver un bar pour regarder le match. Catherine parie 2-0 pour la France, Antoine 2-1. Et comme vous le savez, c’est Catherine qui gagne. Enfin non, c’est la France. Mais bref. Chauvins comme pas deux, nous sommes bien contents. Pour ne rien gâcher, les Autrichiens que nous rencontrons ici sont super sympas.

Vers huit heures,  nous décollons notre nez de l’écran pour chercher notre lieu de bivouac. Dans les sacoches, un beau menu de gala nous attend : poulet à la crème, aux oignons et aux champignons. Avec des pâtes, bien sûr !

Il nous reste une quarantaine de kilomètres avant d’atteindre Vienne, où un hôte warmshower nous attend. Nous pestons toute la journée contre l’eurovélo 6 qui nous ennuie à mourir. Certes, les routes sont plates, droites et bien asphaltées, mais que c’est monotone… Nous ne traversons plus jamais les villages. C’est comme si nous étions parqués sur notre petit bout de bitume autorisé, à l’écart de la vie des pays que nous sommes supposés découvrir. Même les bagnoles nous manquent, c’est vous dire !

Au milieu d’une raffinerie, nous voyons arriver vers nous une étrange monture. Un tandem Pino ! C’est la première fois du voyage que nous en croisons un. Sur le vélo, deux Australiens. Nous papotons un long moment. Notre biclou paraît bien usé à côté du leur, flambant neuf. Mais il faut dire qu’en un an, on ne l’a pas épargné.

En arrivant dans la capitale autrichienne, nous tombons sur une plage de naturistes. Tout le monde se promène à poil au bord de la piste, c’est assez surprenant.

Depuis un café, nous téléphonons à Jeff, notre hôte, qui nous attend en bas de son magnifique immeuble au cœur de Vienne. Français, il travaille pour l’agence internationale de l’énergie atomique. Il nous offre un verre dans le quartier puis nous concocte un délicieux repas. Nous partons ensuite faire un tour by night du quartier, avec une glace à la main. Nous discutons gaiement jusqu’à une heure du matin.

Aujourd’hui, nous avons fait le tour de Vienne avec une escale dans un petit resto où nous avons dégusté le fameux schnitzel, le plat national. Ce soir, Jeff nous prépare encore un bon gueuleton et demain, nous reprenons la route, direction l’Allemagne.

Mettez les glaçons au congel les amis, on arrive !

 

 

 

 

En pays Magyar

Yo napot !

Eh oui, « buna ziua », c’est fini. La Roumanie est à quelques centaines de kilomètres d’ici. C’est de Budapest, la capitale hongroise, que nous vous écrivons. Nous traînons un peu pour cet article, car la semaine a été chargée en rebondissements. Nous avons bien cru que le voyage allait finir prématurément… Mais faisons durer le suspense, et reprenons les choses dans l’ordre.

Retournons d’abord chez nos amis Roumains qui, jusqu’au bout, nous ont beaucoup gâtés.

La plaine avant Beius est très jolie, parsemée de petites églises en bois et de villages animés. C’est le temps des foins, à la fourche et sur des charrettes tirées par les chevaux. Nous rencontrons Annabelle et Alin, francophones, qui nous invitent à planter la tente dans leur jardin. Une fois installés, nous sommes invités pour un apéro qui durera jusqu’à minuit. Nous dégustons la fameuse tuica, une eau-de-vie de prune qui tourne autour des 60 °… Nous repartons le lendemain avec une bouteille dans les sacoches. Mais attention, à consommer avec modération !

Une grosse étape nous attend, car nous avons rendez-vous à la pension d’Oradea le soir pour récupérer nos pneus neufs. Nous pédalons plus de six heures pour parcourir 92 km, et finissons par une angoissante route à camions. Notre journée physique est récompensée par une jolie ville art nouveau, et par le confort d’un petit hôtel pour reprendre des forces dans un lit douillet.

Cette fois, nous devons nous résoudre à dire au revoir à la Roumanie. Sur le biclou avant de passer la frontière, nous repensons à tous les gens qui nous ont accueillis, salués, guidés, en seulement deux petites semaines. Nous sommes profondément touchés par la gentillesse et la simplicité que nous avons trouvées ici.

Nous arrivons donc en Hongrie, ou plutôt en « Magyarorzag ». La langue est complexe et nous fait prendre des fous rires au début. Bonjour se dit « yo napot ». On a l’impression de dire « yo ma pote » et forcément, quand on s’adresse à une mamie, ça fait bizarre.

Dés les premiers kilomètres, nous trouvons une piste cyclable impeccable. Beaucoup de gens roulent à vélo, c’est impressionnant. Nous prenons une petite route de plaine. Les conducteurs sont très précautionneux et ne klaxonnent jamais.

Dans notre tête, c’est clair, il est temps de faire défiler les bornes pour rentrer. Mais un ennemi de taille nous attend : le vent de face. Zut alors, il faut pousser pour avancer ! Notre vitesse moyenne est faible et les paysages terriblement monotones. Les villages que nous traversons sont tristounets et les rares personnes que nous croisons ne répondent pas à nos « yo napot ». Notre moral en prend un coup. Après trois jours de routes plates au milieu des champs d’agriculture intensive, nous finissons par mettre le cap au nord, direction les montagnes et le vignoble de Nosvaj. Nous sommes bien heureux de reprendre un peu de hauteur. Nous faisons une halte dans une cave où nous dégustons un délicieux vin blanc. Rien de tel pour prendre goût à un pays !

Le lendemain, hélas,  nous affrontons toujours le vent de face et les vents des Hongrois. Sachant que nous sommes attendus à Bratislava pour la vélorution, nous décidons d’enchaîner les grosses journées pour en finir avec ce pays d’apparence si peu hospitalière. Nous disons bien « d’apparence »…

Le biclou, lui, en décidera autrement. A cinq heures du soir, à la sortie du village de Markaz, Antoine trouve que la direction du vélo ramollit. Nous nous arrêtons et là, « crac », Catherine descend d’une dizaine de centimètres. Cette fois, c’est le cadre qui nous joue un mauvais tour. Il est coupé en deux sous le siège avant. Déboussolés, nous tournons autour du biclou en essayant de ravaler nos larmes. Le vélo n’est pas transportable à pied. Il est probablement irréparable. « Fin du voyage », constatons-nous tristement. Mais pas le temps de nous apitoyer, la question est : comment rentrer maintenant ?

Nous sommes à quinze kilomètres de Gyöngyös, la ville la plus proche. Il ne nous reste plus qu’à faire du stop. Comme nous nous y attendions, les voitures passent sans s’arrêter. Au bout d’une heure, Antoine dessine un panneau « need help ». Un monsieur aux allures de hippie passe par là à pied. Nous l’interpelons. Il connaît un vélociste à Gyöngyös et nous envoie au café du village pour trouver son adresse sur internet. Nous en profitons pour appeler Didier, le père d’Antoine, qui est prêt à venir nous chercher avec le trafic en Hongrie. Voilà au moins de quoi nous rassurer, au cas où les choses tournent mal.

Mais bon, nous continuons à chercher une solution pour rentrer par nos propres moyens. Nous retournons au vélo et nous demandons où nous allons pouvoir planter la tente, car il se fait tard. Difficile d’imaginer nous installer au milieu de ce quartier résidentiel. Nous serions éjectés rapidement. Nous prenons la rue du monsieur qui nous avait paru sympathique. Et là, coup d’bol, nous tombons sur lui. Bela nous propose aussitôt de venir dormir chez lui et sa femme Eva. « Take it easy, there is no problem », nous rassure-t-il mille fois, en voyant nos mines déconfites. Il nous offre un verre de vin. Pendant ce temps, Eva passe des coups de fil à tous ses amis afin de trouver une bonne âme pour nous emmener à Gyöngyös. Banco ! Leur ami policier, Louis, passe nous prendre le lendemain. Il vient à la maison avec sa femme et nous sortons notre bouteille de tuica roumaine. Nous passons une superbe soirée avec Eva et Bela qui nous réconcilient définitivement avec la Hongrie. Nous déchiffrons l’ancien alphabet hongrois, parlons des frontières d’autrefois dont nos hôtes sont nostalgiques, discutons de tout et de rien jusqu’à minuit. Le lendemain, à 7h30, Louis arrive avec sa remorque. Nous mettons le biclou dedans. Eva nous offre un beau sac en laine, une bouteille de vin, une poupée aux couleurs du drapeau hongrois. Louis nous tend une carte postale de Markaz et une bouteille de gnôle ! Non seulement ils nous dépannent, mais en plus ils nous gâtent…Nous croyons rêver.

Direction le vélociste, qui n’a pas l’air de pouvoir réparer le tandem. Bela nous traduit ses propos et nous partons avec nos trois compères chez un soudeur d’acier. Ouf ! On voit de la lumière au bout du tunnel. Le soudeur a l’air de trouver la réparation faisable. Nous sommes au comble de l’excitation. Nous allons pouvoir repartir ! Mais là, crac, c’est la barre de  direction qui cède. Une pièce spéciale en aluminium. On soude quand même le cadre et on se remet en route pour aller chez un autre soudeur. En peu de temps, la réparation est faite. Nous retournons au magasin, le vélociste remonte gratuitement l’ensemble, et nous rechargeons les sacoches, le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux en disant au revoir à nos trois sauveurs. Nous faisons « ding-donguer » nos sonnettes en démarrant et là, paf, nous partons dans le décor. La barre de direction n’a pas tenu. La situation est comique, mais nous n’avons pas le cœur à rire. Cette fois, nous sommes un peu au bout du rouleau. Louis, notre ami policier, ne se décourage pas. Il trouve des tuyaux en acier dans la cour du vélociste. Nous repartons chez le premier soudeur avec nos bouts de métal. En vingt minutes, il nous recrée la pièce ! La compagnie allemande du vélo, Hase, avait mis un mois à nous la fournir quand nous l’avions  cassée en France…

Nous invitons Louis et Bela à manger dans un petit « bufë », et nous reprenons notre biclou, tout émus, un peu inquiets, mais drôlement heureux de pouvoir pédaler à nouveau. Nous sommes très impressionnés par l’efficacité de nos amis Hongrois et par leur dévouement.

Nous roulons sous la pluie, direction Budapest, en ayant un peu de mal à y croire. Hier, nous étions persuadés que c’était la fin du voyage, et nous voici de nouveau sur la route. Cette mésaventure nous aura en outre permis de découvrir des Hongrois incroyablement généreux. Comme quoi, il ne faut jamais se fier à ses impressions superficielles de voyageur.

En arrivant près de la capitale, nous contactons Vincent Liégey, un objecteur de croissance français qui vit en Hongrie. Membre du parti pour la décroissance, il est aussi l’auteur du livre Un projet de décroissance, manifeste pour une dotation inconditionnelle d’autonomie, aux éditions Utopia. Il nous donne rendez-vous à l’Institut français. Nous buvons un coup et il nous propose ensuite de venir loger chez lui, dans sa coloc en centre ville. Nous sommes ravis ! Érudit, amoureux de la Hongrie, Vincent nous apprend énormément sur l’histoire politique du pays. Nous buvons des bières avec lui et son amie Orsolya, au centre ville, côté Pest, où c’est la fête, et le lendemain nous visiterons Buda, la conservatrice, de l’autre côté du Danube. Nous faisons un crochet par l’écran géant qui diffuse l’ennuyeux match France-Equateur. Nous nous échappons pour aller voir le Parlement de nuit, un magnifique édifice néogothique.

Notre séjour à Budapest est court mais très agréable. Nous reprenons la route demain en envisageant de suivre scrupuleusement l’eurovélo 6. Nous ne voulons plus risquer de descentes, car si la soudure lâche, nous pouvons nous prendre une sacrée gamelle.

Sur ce, on vous embrasse et on vous dit à la semaine prochaine !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Multsumesc !

 

Buna ziua !

Antoine fait des tours de biclou avec les enfants du village de Nucet, où nous faisons une pause pour vous envoyer les dernières nouvelles de Roumanie.

Après une première semaine à pédaler dans les plaines du sud, c’est dans les hauteurs des muntii que nous avons traîné nos roues. Il a d’abord fallu quitter la grise ville de Ramnicu Valcea en empruntant un incontournable axe à camions : 35 km de route sinueuse à se faire doubler par les gros transporteurs. Un pur bonheur.

Nous sommes soulagés d’être vivants au moment de tourner à gauche en direction de la Transalpina. Certes, le dénivelé va être plus costaud, mais plutôt grimper que finir écrabouillés !

Dés les premiers kilomètres, nous respirons le bon air d’une vallée verte et tranquille. Nous retrouvons aussi l’ambiance sympathique des petits villages roumains. Nous décidons de planter la tente en bord de rivière, après avoir passé un premier lac de barrage. Comme nous sommes à l’entrée d’un village, nous demandons l’autorisation à un berger qui passe par là avec ses chèvres. Pas de problème, faites juste attention aux vipères… Nous nous installons tranquillement et notre ami revient plus tard avec un kilo de fromage frais dans sa besace. Nous échangeons quelques mots, lui disons mille fois « multsumesc » (merci) et partageons un verre de vin. Avant de nous quitter, il nous joue un petit air de flûte. C’est magique !

Nous attaquons le plus gros col de notre voyage au réveil. Cette fois, il faut faire de grosses provisions car nous ne croiserons pas de village avant une centaine de kilomètres. La route est raide, mais parsemée de sources d’eau fraîche. Nous sentons que nous arrivons en territoire sauvage. Les ours et les loups ne sont pas loin… Antoine n’a pas peur, mais Catherine, elle, ne fait pas la maline. Après trois heures d’ascension, nous atteignons notre point culminant à 1700 mètres d’altitude, avec en cadeau une vue imprenable sur les Carpates méridionales. Nous nous laissons descendre jusqu’au lac Vidra où un spot de camping merveilleux nous attend. Nous faisons du feu pour éloigner les bêtes et, au moment où la nuit tombe, Catherine va mettre les sacoches de bouffe à cinquante mètres de la tente, essuyant ainsi les moqueries d’Antoine…  Ben quoi, on n’est jamais trop prudents !

En début de soirée, une grosse voiture se pointe. En en voyant sortir une bande de sept potes lycéens, nous nous disons que la nuit risque d’être agitée. Après avoir tourné en rond autour de nous, ils finissent par nous demander gentiment de l’aide pour monter leur tente qui doit dater des années 60. Notre honneur de campeurs est en jeu. Ouf, nous parvenons à la mettre d’aplomb et partons nous coucher. En passant devant le coffre de la voiture, nous découvrons des litres et des litres d’eau. Ces jeunes Roumains semblent plus sages que nous à la grande époque de l’île d’Oléron 😉

La nuit se passe bien, nous ne sommes pas passés sous les griffes d’un ours. Nous pouvons reprendre la route sereinement. Il nous reste un col à affronter avant de rejoindre Sebes. Après une rude grimpette, nous profitons de l’une de nos plus belles descentes de l’année. 60 km de pente douce à travers les sapins et les lacs de barrage. Pour fêter ça, nous chantons  tout notre répertoire Nostalgie : Joe Dassin, Francis Cabrel, Michel Sardou, Pierre Bachelet, tout y passe ! Bizarre bizarre, la pluie ne tarde pas à tomber…

Après avoir dormi au bord d’un dernier lac, nous retrouvons la plaine et attaquons cette fois les Monts Apuseni. Le guide du routard nous promet monts et merveilles dans cette région apparemment très à l’écart de la société de consommation. Avant de rejoindre la vallée de l’Aries, nous passons une nuit chez Niku, qui nous autorise à camper dans son jardin. Ancien mineur à Zlatna, il nous invite à déguster une traditionnelle ciorba dans sa cuisine. On a notre carbo dans les sacoches, mais ça ne se refuse pas !

Le lendemain matin, nous passons un joli petit col et au moment de pique-niquer dans la vallée, une surprise nous attend. Un renard court dans notre direction avec une grosse poule vivante entre les crocs. Il ne nous a pas vus. Nous, on en profite, on le filme et on admire son agilité à traîner sa proie.

En arrivant à Albac, au coeur du pays des Motsi, c’est plutôt un endroit touristique que nous découvrons. Des pensions partout, des motards à gogo, des voitures immatriculées à l’étranger. Nous décidons de partir en randonnée une journée pour nous éloigner un peu de la route. Et c’est vrai qu’une fois parvenus dans les hameaux de montagne, nous faisons un beau voyage dans le temps. Nous rencontrons un lycéen qui fait huit kilomètres à pied par jour pour aller à l’école, ça laisse songeur…

Nous reprenons notre biclou pour gravir ce qui sera sans doute le dernier col de notre voyage. Nous traversons Vartop, une étrange station de ski, et redescendons en direction d’Oradea. Nous dénichons un magnifique terrain de camping dans la montagne. Les crottes de moutons nous montrent qu’il doit être habité. Et vers sept heures, effectivement, des cloches retentissent. Un beau troupeau arrive avec ses chiens et son  berger, Marios, âgé de 24 ans. Un peu gênés, nous lui demandons si la tente ne dérange pas trop. Pas de problème, nous dit-il spontanément. Puis il reste  avec nous  jusqu’à dix heures du soir. Nous nous débrouillons avec le peu de Roumain que nous connaissons. A huit heures du matin, les cloches nous réveillent. Marios est là, avec du fromage, des saucisses, des légumes panés et du café. Décidément, les bergers sont nos meilleurs amis. Après avoir déjeuné, nous quittons notre copain, profondément touchés par sa gentillesse.

Notre périple en Roumanie touche à sa fin, mais nous sommes sûrs de revenir un jour dans ce beau pays que nous avons visité trop vite.

Demain, nous avons rendez-vous à Oradea dans une pension où des pneus et des plaquettes de freins neufs ont été livrés pour nous. Nous serons ainsi parés pour pédaler 2000 km et être de retour en France mi-août, pour la grande chouille ardéchoise.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Drum bun !

 

Buna ziua !

Que de caps, cette semaine ! Passage des 12000 km dans la plaine agricole bulgare, passage de la frontière roumaine à Roussé et, last but not least, passage des 31 ans de Toinou…

Nous avons quitté la Bulgarie en traversant son grenier à blé. Des champs immenses à perte de vue. Pas facile de trouver un carré d’herbe pour y planter la tente. L’agriculture intensive occupe le moindre espace. Bien que nos mollets apprécient les pentes douces, nous sommes un peu nostalgiques de la chaleureuse ambiance paysanne des Rhodopes et du Balkan.

Peu de temps avant la frontière, nous croisons un cyclo suédois. Carte à l’appui, nous échangeons les bons plans sur la Roumanie et la Bulgarie. Il nous rassure sur la conduite roumaine et nous lui faisons éviter une route à camions.

Nous cherchons ensuite un endroit pour planter la « palatka ». En descendant un chemin agricole assez perdu, nous tombons sur deux voitures qui nous font signe de remonter dare-dare. Un peu plus loin, nous découvrons plusieurs plans sauvages de cannabis. On ne sait pas exactement ce qui se trafique à Ivanovo, mais ce n’est pas très net !

Le lendemain, sous un temps couvert, nous atteignons un pont de 4 km au-dessus du Danube pour entrer en Roumanie. Les passages de frontière sont toujours émoustillants. Il faut se mettre à une nouvelle monnaie, le lei, une nouvelle langue dans un alphabet latin (trop facile !), une nouvelle culture et tout ce qui va avec. Avant de reprendre la route, nous mangeons des mititei dans un boui-boui de Giurgiu. Ces petites saucisses nous donnent l’énergie de pédaler encore 40 km avant de poser la tente en surplomb de la plaine du Danube. Les villages traversés nous donnent rapidement la couleur du pays. Partout, sur le bord de la route, les gens discutent sur les bancs, nous saluent à grands coups de « buna ziua » et de « bun drum » (bonne route). Ici ou là, on entend de la musique entraînante. Les enfants roms nous tapent dans les mains quand on passe. Les poules, pintades, oies et dindons font leur vie sur les trottoirs en herbe. On partage encore la route avec beaucoup de charrettes. C’est super ! Certes, il y a des hordes de moustiques le soir et les routes en ciment sont un peu défoncées, mais on se sent drôlement bien, d’emblée.

Vendredi, c’est l’anniversaire d’Antoine. La journée commence par des trombes d’eau… On ne peut plus distinguer les trous dans la route et forcément, on tombe dedans. Tout en nous cramponnant au vélo, on rigole bien en traversant les rivières qui se forment sur le bitume. C’est l’aventure. Les innombrables villages de la plaine sont jolis, avec leurs maisons de toutes les couleurs. Nous apprenons à utiliser les puits pour nous ravitailler en eau. Elle est fraîche et ça fait du bien car entre deux radées, la température tourne autour des 30 degrés. On découvre aussi le climat continental…

Après avoir fait de grosses courses pour ce soir de fête, nous demandons à un fermier s’il a un endroit où nous pouvons planter la tente. Il nous emmène derrière sa maison où nous partageons le terrain avec des bébés pintades et des chiens. Vers huit heures, un collègue de notre hôte arrive : Florian, la cinquantaine. Il se met joyeusement à nous parler en italien, en roumain, en allemand et en français. Ce sera l’invité d’Antoine à sa fête d’anniversaire. Nous discutons jusqu’à minuit passé. Il nous apporte du fromage de ses chèvres, du miel, des bougies. Puis il nous passe son fils de Bucarest au téléphone, qui nous explique que nous sommes sans doute les premiers étrangers que rencontre son père. Au réveil, Florian nous apporte un petit déjeuner copieux. Il nous emmène ensuite dans sa maison pour le café. Au moment de nous quitter, il nous dit qu’il va pleurer quand nous serons partis. Résultat, c’est Catherine qui a les larmes aux yeux !

Nous continuons notre route dans le val du Teleorman, tout excités par cette première rencontre roumaine. Il fait très très chaud. Nous faisons une pause à l’ombre près d’un puits. Rapidement, un groupe se forme autour de nous. Nous discutons avec nos quelques mots de roumain et soudain, un papy sort un grand drapeau bleu jaune rouge de sa poche. Il nous l’offre et nous l’accrochons fièrement à côté de notre drapeau français. C’est la classe ! Nous reprenons la route de Pitesti et nous nous arrêtons manger une glace dans un magasin. L’orage éclate quand nous sortons sur la terrasse. Nous nous y installons en attendant et, là encore, un groupe se forme autour de nous. Des ados et un adulte, Gigi, qui ne veut pas qu’on dorme sous la tente. Il nous invite à passer la nuit dans sa maison, qu’il partage avec sa mère, Aurica. Nous acceptons volontiers et le suivons sur un chemin non goudronné. Arrivés chez lui, nous nous retrouvons dans une jolie ferme traditionnelle. Aurica est très heureuse de nous recevoir, c’est la première fois de sa vie qu’elle voit des voyageurs à vélo. Elle nous fait entrer dans son intérieur coquet, nous sert une ciorba au poulet, la soupe nationale, et une salade. Gigi va chercher ses jeunes voisins, Anna et Bogdan, qui parlent anglais. Ils nous servent de traducteurs, c’est drôlement pratique. Nous allons passer un bout de soirée chez eux. Le lendemain matin, après un verre de lait et une salade copieuse, Aurica nous installe devant la télé sur une chaîne de folklore roumain. Elle nous sert une énorme assiette de polenta sucrée. Nous sommes sur le point d’éclater quand elle arrive avec une autre assiette de maïs concassé…Elle nous propose aussi du vin, mais nous arrêtons là la politesse et nous refusons. Il est 8h30 tout de même !

Nous repartons à 10h30, repus, sous une chaleur torride. En milieu d’après-midi, enfin, l’orage éclate. Nous ne sortons même pas les affaires de pluie, trop heureux de nous rafraîchir. Nous sortons du val de la Teleorman pour rejoindre Ramniscu Valcea. La route devient un peu plus difficile, en up and down. Nous dormons sur un terrain de foot à la sortie de Vedea. Nous sommes contents de retrouver le calme de nos soirées sous tente, après deux jours bien mouvementés.

Hier lundi, sur la route qui longe le fleuve Olt, nous nous arrêtons devant une église couverte de fresques. Il y a du monde autour. Une dame, Maria, nous explique que c’est un jour saint pour les orthodoxes. Elle nous emmène dans l’église où elle demande l’autorisation au pope de nous laisser entrer. D’accord, mais si Catherine garde son casque de vélo sur la tête ! Nous suivons une procession jusque derrière l’autel, chose autorisée pour les femmes une seule fois par an. Les chrétiens font des bisous aux reliques. Maria nous dit de les imiter. A la sortie, le pope nous remet des bouts de tissus imprégnés de cire. Il faudra les faire brûler dans notre maison pour chasser les mauvais esprits. Maria, qui est mariée à un prêtre, nous invite ensuite à la suivre dans une autre église pour y prendre un repas. Nous lui expliquons que nous venons de pique-niquer, mais elle insiste. Alors c’est parti. Nous dégustons une excellente ciorba en compagnie des popes et de Maria. Nous finissons par reprendre la route à 4 heures de l’après-midi.

Après une dernière nuit de camping sauvage et neuf jours sans douche, nous décidons de nous trouver une chambre pour écrire ce post, faire une lessive et nous laver un coup.

Demain, nous retrouvons les montagnes avec la transalpina et son col à 1700 mètres… On espère y trouver un peu d’air frais.

Sur ce, on vous embrasse et on vous dit à la semaine prochaine, si on arrive à retrouver une connexion internet (ce qui n’est pas facile en Roumanie…).

 

 

L’hospitalité, c’est pas du yaourt !

Dobar vetcher !

Ce soir, c’est le luxe. Après trois mois sans débourser un centime d’hébergement, nous nous offrons un petit hôtel dans le centre historique de Veliko Tarnovo. Avec balcon de bois et vue sur la rivière, s’il-vous-plaît ! Nous sommes plus qu’heureux d’être à l’abri, car ici il pleut des cordes.

Nous n’avons donc pas été dévorés par les ours des Rhodopes. Après vous avoir envoyé nos nouvelles, lundi dernier, nous avons fait quelques mètres à la recherche d’un campement dans Siroka Laka. Mais au moment de planter la tente, papy Kalin est arrivé. Il nous a fait signe de le suivre jusqu’à sa maison, au-dessus de la rivière. A l’intérieur, une petite chambre avec deux lits. Dobre !

Kalin ne parle pas l’anglais, mais les gestes sont  simples pour se faire comprendre. Nous passons une soirée bien rigolote en sa compagnie : concours de bras de fer, découverte du folklore national à la télé, oeufs cuisinés sur le poêle. Une fois de plus émus par l’hospitalité bulgare, nous repartons le lendemain matin en direction de notre col, Pamporovo. Après une bonne grimpette, c’est une station de ski fantôme que nous découvrons. Sacrément moche, mais enfin, nous y sommes. Les 80 kilomètres de descente tant attendus sont arrivés ! Nous nous laissons filer en direction de Plovdiv au milieu des sapins. Comme nous n’avons rendez-vous avec notre futur hôte que le lendemain, nous passons une nuit dans un pré en altitude. L’endroit idéal pour découvrir un apéritif local, le mastika. On dirait un peu de l’ouzo. Avec l’eau fraîche des fontaines bulgares,  ce n’est pas mauvais.

Nous arrivons à Plovdiv en empruntant une route de plaine assez angoissante. Les camions nous frôlent à grande vitesse, nous serrons les fesses. En arrivant dans la grand-ville après plusieurs jours de montagne, nous sommes un peu perdus. Nous trouvons refuge dans un petit resto populaire où Antoine se régale avec des tripes et de la langue de veau.

Nous avons rendez-vous avec notre hôte Kostadine à la gare. Il nous emmène dans son appartement qu’il partage avec sa mère et sa grand-mère. Nous prenons une bonne douche avant de partir à la découverte de la plus vieille ville d’Europe. C’est un curieux mélange des genres: des Thraces aux Ottomans, en passant par la Renaissance bulgare et la période communiste. L’ensemble est cela dit très harmonieux. Nous retournons dans notre quartier à la nuit tombée. Kostadine nous raconte qu’il a passé trois mois à Lyon cet automne. Il a dormi à la rue dix jours, puis au foyer Notre-Dame-des-Sans-Abri, avant de trouver un logement grâce à un site de couchsurfing. Sa vie très précaire en Bulgarie lui donne envie de repartir. Nous le reverrons probablement en France un jour ou l’autre, et c’est tant mieux ! Nous pourrons lui rendre la pareille, où que nous soyons.

Nous repassons une journée dans Plovdiv avant de nous diriger vers le massif du Balkan. Là aussi, de beaux cols nous attendent. Mais nous commençons par une plaine. Au moment du pique-nique, un ado vient nous voir. Il ne parle pas anglais. Il revient cinq minutes plus tard avec un sac rempli de fraises. Nous sommes touchés.

Nous traversons un village, Rakovski, où tout le monde nous salue et nous klaxonne. Les anciens comme les jeunes font du vélo sur les routes un peu délabrées. C’est de la folie, on adore. A la sortie du bled, nous découvrons une piste cyclable. On n’en a pas vu depuis l’Italie !

Le soir, nous trouvons un chouette campement au pied des montagnes. Nous savons qu’une longue côte nous attend au réveil. Et effectivement, quelle montée… Nous arrivons au sommet trempés de sueur. Heureusement, la descente est à la hauteur de nos espérances et nous nous laissons glisser jusqu’à la vallée des roses, où nous ne croisons pas une seule rose… Nous dormons à quelques kilomètres de Shipka. Des ados nous tournent autour, curieux de nous voir monter la tente sur leur terrain de jeu. Ils nous ramènent cinq branches pleines de cerises. Décidément en Bulgarie, toutes générations confondues, les gens sont sympas.

Le lendemain, après un col à 1200 mètres, nous hésitons sur la route à prendre. On nous a parlé d’un monument communiste impressionnant à douze kilomètres de là, Buzludza. Ce qui fait un détour de 24 km au total. Mais ça a l’air incroyable, alors nous nous lançons. Prudemment, nous demandons tout de même à un monsieur l’allure de la route. Il nous assure que c’est plat. Bizarrement, ça commence par une pente assez raide sur un kilomètre. Puis une longue descente. Puis une autre montée. Après huit kilomètres, nous n’en pouvons plus. Une voiture passe, à tout hasard, nous levons le pouce. Kalin et son épouse Boppy nous emmènent gentiment au spomenik, à 1500 mètres de hauteur. C’est un lieu hallucinant qui, sans aucun doute, méritait le détour. Une espèce de vaisseau spatial en béton armé au sommet d’une montagne. Complètement délabré, il ne peut malheureusement pas se visiter.

Le coquin qui nous avait dit que c’était plat a la malchance d’être là au moment où nous repassons par le col. Catherine lui passe une avoinée qui vaudra pour tous ceux qui nous ont affirmé, à tort, que la route était « plate ».

La journée a été rude pour les mollets. Nous finissons par une énième montée en direction de Tryavna puis, épuisés, nous plantons la tente au milieu du col.

Ce matin, nous avons fini l’ascension jusqu’à Tryavna, une très jolie ville où nous avons visité un musée de sculpture sur bois. Nous avons ensuite pédalé jusqu’à Veliko Tarnovo, d’où nous ne sommes plus qu’à cent kilomètres de la Roumanie.

Sur ce, on vous embrasse. A la semaine prochaine !

 

 

 

Dobar den !

 

Salut à tous !

Ouf, nous avons fini par la franchir, la frontière grecque, après trois mois de péripéties dans ce beau pays. Nous étions tous les deux assez émus au moment de dire un dernier « yassas » au douanier.

Nouveau pays donc : la Bulgarie.  Il a d’emblée fallu nous initier à l’alphabet cyrillique pour déchiffrer les panneaux. Certaines lettres, heureusement, ressemblent à leurs voisines grecques. Mais pas toutes. Il faut bien faire travailler notre cerveau pendant ces vacances prolongées…

Après une belle première descente  jusqu’à Gotse Delchev, nous avons décidé de commencer notre périple par la  chaîne de montagne des Rhodopes,  d’ouest en est.  Allez hop, on y va, en route pour 4000 mètres de dénivelé ! Nous avons attaqué par un col aller-retour à 1100 mètres d’altitude pour visiter le village de Kovachevitsa. Sur la route, dans le hameau de Lechten, une petite chienne s’est mise à remuer la queue en nous voyant arriver. Au lieu de nous aboyer dessus, elle a entrepris de nous suivre. Amusés au début, nous avons réalisé ensuite qu’elle nous adoptait, purement et simplement. Elle nous protégeait contre les autres chiens errants, nous attendait quand nous faisions des courses , aboyait sur les voitures qui nous dépassaient. C’était totalement déconcertant. Nous qui ne sommes pas fanatiques des chiens, après une journée passée en sa compagnie, nous étions tellement gagas que nous l’avons baptisée Sylvie Vartan, en hommage à la chanteuse d’origine bulgare. Elle a même eu droit à une petite ration de saucisses le soir au camping.

La pluie se mettant à tomber sur la fin de notre ascension, nous avons demandé à un couple de planter la tente sur son terrain, idéalement placé face aux gorges. Sans hésiter une seconde, Fatma et son mari nous ont montré un emplacement parfait. Ils nous ont ensuite invités à nous réfugier sous leur cabane de jardin. Nous avons joué à « Dessiner c’est gagné » pendant une bonne heure, ce qui nous a permis d’enrichir notre vocabulaire bulgare. Puis ils sont rentrés chez eux, dans leur village pomak, à deux kilomètres de là. Oui car nous sommes au cœur de la région des Pomaks, des Bulgares islamisés pendant l’empire ottoman. A la place des églises orthodoxes, ce sont donc des mosquées que nous découvrons dans les endroits habités.

Le lendemain, sous le soleil et toujours avec notre mascotte Sylvie, nous avons fini notre raidillon jusqu’à Kovatchevitsa. Nous y avons dégusté quelques grillades et un yaourth, bien sûr, avant de profiter de la longue descente vers la vallée. Sylvie n’a plus voulu nous suivre, elle est restée avec les siens. Les adieux n’ont pas été trop déchirants car elle avait trouvé une belle terrasse au soleil pour se délasser.

Les quinze kilomètres de descente sont passés vite. Nous n’avons pas tardé à pousser sur les pédales pour affronter un nouveau col. Comme en Albanie, nous partageons ici la route avec des charrettes tirées par des ânes ou des chevaux. Il y a énormément de monde au travail dans les champs, l’agriculture n’étant pas mécanisée. Il y a aussi beaucoup d’ouvriers qui taillent des pierres à la main sur le bord de la route. Nous ne sommes jamais vraiment seuls.

Nous étions donc en pleine montée dans la forêt quand soudain, nous avons cru entendre des bruits de percussions. Nous regardions partout autour de nous, rien. Nous avons continué jusqu’à un un virage où nous avons vu attablés une dizaine de gaillards. Ils nous ont fait signe de nous joindre à eux. Hop, deux bières, une assiette de riz et de viande. Ils nous expliquent qu’ils sont chasseurs et que l’un d’eux vient de tuer un cerf. C’est donc la fête et nous avons la chance inestimable d’y être invités. Deux tziganes jouent de la flûte et de la percu. Les chasseurs, eux, dansent, boivent et chantent. Pas de femmes dans les parages… Le plus ancien, maître des lieux, nous invite à le suivre vers une grande maison en chantier. A l’intérieur, il ouvre une petite chambre impeccable, digne d’un hôtel. Il coupe du bois pour nous chauffer l’eau de la douche… En deux jours, nous n’en finissons pas de nous extasier sur l’hospitalité bulgare. Le mot que nous maîtrisons le plus, c’est « blagodaria », merci.

Dimanche, à 9h, nous décollons pour affronter la suite de la pente. Nous essuyons un bel orage en atteignant Dospat, un village à 1300 mètres de hauteur. Mais la route est magnifique et nous continuons l’effort jusqu’à 5h, au moment de trouver un emplacement de camping idéal, blotti dans une petite vallée verte coupée par un ruisseau. Nous y passons une longue nuit de dix heures, histoire de nous remettre de la chouille de la veille.

Hier lundi, nous avons voulu nous détourner de la route pour monter jusqu’à l’œil de l’aigle, un point de vue à 1590 mètres sur toutes les montagnes du coin. Nous savions qu’une montée à 15 % sur deux kilomètres nous attendait. Au moment de prendre cette route, nous croisons deux hommes assis sur un banc. Ils nous montrent leur 4×4 sur lequel est écrit « orloko ovo », l’œil de l’aigle. Nous comprenons qu’ils y mènent les touristes. Corrompus par une certaine fatigue, nous leur demandons à tout hasard le prix. Six levs (3 euros) pour deux.  Malgré nos bons principes écolos, nous sommes soudain tentés par l’appel du moindre effort. Nous acceptons donc, après leur avoir fait répéter le tarif trois fois et même dessiner au sol. La montée est vraiment raide et nous hallucinons sur les chemins que prend le chauffeur. Nous sommes bien secoués au moment d’arriver au sommet, et tout penauds d’avoir contribué à bousiller la montagne. A l’arrivée, nous n’éprouvons aucune satisfaction, juste de la gêne. Nous faisons un tour au point de vue vertigineux, envahi par d’autres blaireaux qui, comme nous, ont posé leur derrière dans un véhicule tout-terrain. Puis nous redescendons jusqu’à notre vélo, en nous disant intérieurement que le prix de la course est décidément très faible… A l’arrivée, Catherine tend six levs au chauffeur. En Bulgarie, pour dire non, ils inclinent la tête de haut en bas… Notre ami fait donc ce geste et nous le comprenons, hélas. Il nous explique que ce n’est pas six levs, mais soixante au final… ! L’arnaqueur. Nous sommes coincés. Nous finissons par lui donner 30 levs, notre budget maximal pour une journée, englouti dans une virée en 4×4. Abrutis que nous sommes. Après avoir juré tout ce que nous pouvions de retour sur le biclou, nous en concluons que nous venons d’essuyer une bonne leçon. Nous sommes tellement honteux que nous avons même hésité à vous raconter cet épisode. Mais bon, si ça peut vous faire rire, alors tant pis pour notre honneur !

Après cette mésaventure, nous avons rejoint Devin, ville de l’eau minérale, où nous sommes allés nous détendre dans les eaux chaudes d’une piscine thermale en plein air. Nous avons campé non loin de là et ce matin, nous avons attaqué la dernière longue montée avant la station de ski Pamporovo. Après ce dernier col à 1500 mètres, une descente de 80 kilomètres nous attend jusqu’à Plovdiv. Youpi!

Nous allons dormir au milieu des ours ce soir, brrr… Si vous n’avez pas de nouvelles de nous dans une semaine, inquiétez-vous!

Des bises et à bientôt !